Wednesday, April 9, 2008

Article paru dans le Nouvel Obs sur les Alliances Françaises dans le monde

Trois questions à Jean-Claude Jacq
Nous sommes les grands prêtres du verbe !

Le Nouvel Observateur. - Quel est le secret du succès de l'AF ?


Jean-Claude Jacq. - Il y a un esprit. C'est très original de laisser des citoyens de divers pays se faire les relais de notre culture en créant des centres que nous labellisons. Cela donne des gens très motivés, de véritables entrepreneurs ! Et quand il y a des troubles, on n'attaque pas les AF, puisqu'elles appartiennent aux gens du pays. On a pu le remarquer au Pakistan ou en Afrique récemment. Cette façon de faire est à l'inverse de l'approche où l'on semble vouloir tout gérer en imposant ses fonctionnaires.




N. O. - Pouvez-vous mesurer votre influence culturelle ?


J.-C. Jacq. - 450000 étudiants par an, 6 millions de participants à nos événements : c'est énorme ! Je ne prendrai qu'un exemple, emblématique : celui des Etats-Unis. On y dénombre plus de 130 AF, toutes autofinancées sauf six. La glaciation intervenue en 2003 dans les relations entre nos deux pays ne s'est pas produite dans les AF. Jean-David Levitte, qui était alors notre ambassadeur à Washington, s'est beaucoup appuyé sur notre réseau pour faire passer un message apaisant auprès des patriotes américains. Imaginez qu'à New York, l'Alliance lève 800 000 euros en un seul gala annuel (soit l'équivalent du budget total de notre fondation), avec des invités en queue de pie qui paient leur table 10 000 euros ! A Boston, ils lèvent 400 000 euros, à Chicago 500 000. Donc ce sont les Américains qui paient pour propager notre culture chez eux. A Miami, une nouvelle Alliance va ouvrir dans un bâtiment ultramoderne.


N. O. - Comment vous en sortez-vous financièrement ?


J.-C. Jacq. - Nous sommes gueux comme des rats d'église ! Il était temps de créer une fondation pour lever des fonds. Mais elle ne compte que douze salariés, pour chapeauter les 1071 antennes de l'Alliance ! Donc, pour l'heure, nous sommes surtout les grands prêtres du verbe. Si une AF a besoin de 10 000 euros pour réparer un toit emporté par une tempête, nous ne les avons pas. Ca me tue. Je compte donc sur les dons pour permettre cela dans le futur. Pour l'instant, nous appliquons la belle formule de Cioran : «Bricoler dans l'incurable.» Ca pourrait être notre devise.

Patrick Fauconnier
Le Nouvel Observateur

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